L’archétype du Sauveur est un archétype séduisant. Dès qu’il s’agit de s’occuper de « l’autre », de prendre part à sa souffrance, de l’aider à changer, à guérir, il frappe à notre porte. Cet archétype est actif chez toutes les personnes qui s’engagent personnellement ou professionnellement dans une relation d’aide, de soin, de thérapie ou d’accompagnement.
Sauveur = porter secours… aider « l’autre » à solutionner ses problèmes, l’aider à sortir de la souffrance, de ses angoisses, de sa dépression, de sa démence… à le protéger, à l’aider à se construire.
La déviation inconsciente est celle de solutionner les problèmes à la place de cet « autre », de vouloir le sortir de ses états pathogènes, bref de vouloir le guérir.
Cette aide agit donc dans les deux sens : sauver l’autre et être sauvé.
Elle peut respecter à la fois le besoin d’aide et d’autonomie du Sauvé et les limites du Sauveur. Dans ce cas, elle est positive.
Mais il y a un piège si cette aide est utilisée d’une façon inadéquate, reposant sur des blessures d’enfance du Sauveur, qui a besoin de sauver l’autre pour se prouver qu’il vaut quelque chose. Cela crée un lien de dépendance réciproque où les trois rôles « Sauveur, Victime, Bourreau sont interchangeables.
La position de Victime demandant à être sauvée est la plupart du temps désespérée, car on ne peut sauver personne et personne ne peut nous sauver, si ce n’est nous-même.
On attribue au Sauveur des facultés exceptionnelles de réflexion, de décisions, de remise en cause, d’action, de stratégie…. on lui donne toute puissance… Dieu ?
Le besoin d’être sauvé renvoie toujours à un ressenti d’impuissance, de faiblesse, de vulnérabilité devant un danger défini ou pas. On délègue à quelqu’un le pouvoir de combler nos besoins et nos espoirs de satisfaction. On lui attribue le pouvoir de solutionner nos problèmes, de nous libérer de notre angoisse, comme si c’était nous. Le besoin d’être sauvé amène la personne à changer constamment de thérapeute pour trouver celui qui fera le travail à sa place. Et ce n’est pas possible.
Sa partie Ombre : le complexe du Sauveur
Il vient souvent de la petite enfance. On a pu être précocement placé dans un rôle de Sauveur vis à vis de l’un de nos parents… Conflit de loyauté. Nous sommes alors enfermés dans ce schéma, qui fait que nous reproduisons les mêmes comportements dans nos investissements d’adultes. La loyauté est un comportement de fidélité inconditionnelle aux règles inconscientes de la famille, qui assigne à chacun une place et une fonction.
Le fait d’avoir un parent « immature » ou en très grande souffrance, le met dans une insécurité permanente. Pour survivre, le petit enfant agit de manière à le sauver de son mal-être. Il est obligé de combattre l’angoisse de l’autre pour l’aider à surmonter sa propre angoisse de mort…. Sauver pour être sauvé !
Cela le rend très sensible à la souffrance. La compassion se développe chez lui de façon intense (prendre la souffrance de l’autre par amour), refoulant toujours plus profondément le sentiment d’insécurité et l’angoisse qui en découle. L’enfant et ses besoins s’effacent devant la nécessité de faire face à la situation. Il s’éloigne alors de ce qu’il est réellement, lui.
Il est pris dans une situation de double lien :
– l’obligation de réussir une mission qui est de toutes façons impossible,
– l’énorme difficulté qui en découle de réussite, se relevant chaque fois un peu plus blessé des inévitables échecs, s’accrochant envers et contre tout car il ne peut cesser d’y croire. D’ailleurs il n’a pas le droit de lâcher.
Le Sauveur est quelqu’un de responsable, dévoué, généreux, tourné vers les autres, attentif à leur besoin. Il ne supporte pas l’égoïsme ni l’indifférence. Pour lui, la souffrance de l’autre est intolérable, d’autant plus qu’elle est le reflet de sa propre souffrance.
Sa partie Lumière : le Sauveur « sage »
Il connaît l’ombre de cet archétype et a sûrement eu à faire un travail pour libérer cette mémoire en retrouvant des moments clés de son enfance, en les revisitant pour leur permettre de s’exprimer librement, pour ensuite retrouver la paix du cœur et se sentir unifié. Ce travail est la base pour un praticien professionnel.
Il ne cherche pas le pouvoir ni la dépendance. Il a une capacité d’écoute et a des perceptions fines qui lui permettent de se mettre empathiquement en résonance avec l’âme de la personne. Son intention n’est pas de le sauver ou de le guérir car il sait que cela ne lui apparient pas. Il cherche plutôt à créer un espace propice au dialogue.
C’est son intuition qui le guide. Son ouverture du cœur lui permet d’être Celui qui accueille, dans une grande disponibilité à l’être, d’âme à âme. Très souvent, lors des soins, un mot, une image lui est donné, qui font écho chez « l’autre », et c’est souvent un moment fort , libérateur, car porteur de sens.